Stiflerétait l'un des héros de la franchise «American Pie», débutée en 1999. Ici, Seann William Scott avec (de g. à dr.) Jason Biggs, Tara Reid et Shannon Elisabeth.
DĂ©jantĂ©, illuminĂ©, sadique, suicidaire, parano⊠LâimprĂ©visible Mel Gibson nâa cessĂ© dâendosser des rĂŽles ambivalents. De âLâArme fataleâ Ă âPaybackâ, TCM lui consacre un cycle de films de qualitĂ© inĂ©gale mais oĂč Ă©clate son talent. Rendez-vous tous les vendredis de septembre. Aux Ătats-Unis, il fut un temps pas si lointain oĂč les dĂ©rapages racistes et misogynes ne vous propulsaient pas Ă la Maison-Blanche, mais aux oubliettes de Hollywood. En 2006, aprĂšs une cuite consĂ©cutive Ă huit doubles tequilas, Mel Gibson est arrĂȘtĂ© par la police californienne et profĂšre en reprĂ©sailles un torrent dâinsultes qui sabote son immense carriĂšre. Il ne sâarrĂȘtera pas lĂ , et tout le monde, ou presque, lui tournera le dos. Depuis, lâacteur amĂ©ricano-australien est sobre, il a donnĂ© des millions de dollars Ă des organisations caritatives et sâest excusĂ© Ă la tĂ©lĂ©vision, lors dâĂ©missions aux airs de rituels expiatoires. Hollywood, qui adore les histoires de rĂ©surrection, lui a mĂȘme donnĂ© une nouvelle chance. Mais sâil tourne rĂ©guliĂšrement, ce nâest plus jamais en combinant rĂŽles et films de premier plan. A 63 ans, difficile de redevenir un hĂ©ros de films trĂšs grand public dans une industrie qui a irrĂ©mĂ©diablement changĂ©. Reste une carriĂšre parallĂšle de metteur en scĂšne et le triomphe en 2016 de son cinquiĂšme long mĂ©trage, Tu ne tueras point, ou le calvaire dâun soldat trĂšs croyant et pacifiste lors de la bataille dâOkinawa, en 1945. Catholique traditionaliste en proie â comme Tom Cruise â au complexe du martyr, Gibson sâest totalement retrouvĂ© dans ce projet. Le film met en lumiĂšre ce que signifie pour un homme de conviction et de foi que de se retrouver dans une situation infernale. Au milieu de ce cauchemar, cet homme est en mesure dâapprofondir sa spiritualitĂ© et dâaccomplir quelque chose de plus grand », a expliquĂ© Mel Gibson lors de la sortie du film, sans faire explicitement le lien avec ses propres dĂ©boires, mais en arborant une immense barbe, entre le leader abĂźmĂ© dâun gang de bikers et le confĂ©rencier dâune congrĂ©gation dâamish. LâinstabilitĂ©, sa marque de fabrique Ses choix devant ou derriĂšre la camĂ©ra rĂ©vĂšlent en tout cas un jeu sur la corde raide â passionnant pour cette raison â, entre le grand spectacle familial cher aux studios amĂ©ricains et des penchants autodestructeurs. Le cycle que TCM consacre ce mois-ci Ă Gibson se concentre sur ses succĂšs des annĂ©es 1990, lorsquâil est dĂ©jĂ une trĂšs grande star, jeune, charismatique et fiable. Il a un flair indĂ©niable pour les projets porteurs, dâailleurs souvent Ă©crits pour lui, et il a tout compris au systĂšme hollywoodien. Son charme surtout est capable de vaciller vers la brutalitĂ© et la rage. Cette instabilitĂ© devient sa marque de fabrique. Il sait enchaĂźner le film dâaction et lâadaptation shakespearienne Hamlet, de Zeffirelli, en passant par les dessins animĂ©s la voix du coq dans Chicken Run ! et les comĂ©dies romantiques qui relativisent les accusations de machisme Ă son encontre. Il est intense, vulnĂ©rable et drĂŽle, au-delĂ des clichĂ©s et Ă un niveau que ses rivaux directs, Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger et Bruce Willis, nâatteindront jamais. Ses personnages, quand ils ne sont pas uniquement des mĂąles alpha cherchant le moindre prĂ©texte pour se venger de maniĂšre sanglante, sont aussi des hĂ©ros pieux, attachĂ©s aux valeurs familiales et rĂ©tifs Ă toute forme dâautoritĂ©. Des guerriers et des saints, le plus souvent incompris et incontrĂŽlables. Flic aux mĂ©thodes peu catholiques dans LâArme fatale 1987, Mel Gibson forme avec Danny Glover une drĂŽle dâĂ©quipe. Paramount Toutes ces facettes se retrouvent dans LâArme fatale 1987, de Richard Donner, le meilleur film du cycle TCM. Dans le rĂŽle de Martin Riggs, flic imprĂ©visible et torturĂ©, doublĂ© dâun veuf inconsolable et suicidaire, Mel Gibson est vraiment dangereux. Il est nĂ© pour jouer ce kamikaze sidĂ©rĂ©, encore davantage que celui de Mad Max. En tandem avec un bon pĂšre de famille Danny Glover, Riggs obĂ©it Ă ses propres rĂšgles dans ce grand polar archĂ©typal des annĂ©es 1980, encore assez rĂ©aliste dans sa premiĂšre moitiĂ©. Si LâArme fatale 2 1989, Ă©galement rĂ©alisĂ© par Richard Donner, dilue efficacement la sauvagerie de Gibson dans la comĂ©die, âPaybackâ, thriller transgressif LâArme fatale 3 et 4 tournent Ă la sitcom, avec des flingues et des voitures envoyĂ©es Ă la casse. Ces suites lucratives perdent beaucoup de temps Ă citer les Ă©pisodes prĂ©cĂ©dents, suscitant une comparaison forcĂ©ment dĂ©favorable. Mais, au moins, dans LâArme fatale 4 1998, Mel Gibson, qui dĂ©clarera en 2006 que les Juifs sont responsables de toutes les guerres dans le monde, fraternisait avec un rabbin⊠On passe rapidement aussi sur Forever Young 1992, de Steve Miner, mĂ©lo trop romantique scĂ©narisĂ© par un Abrams novice, sur un pilote casse-cou, cryogĂ©nisĂ© dans les annĂ©es 1930, qui se rĂ©veille dans les annĂ©es 1990. Bien plus trangressif est le thriller Payback 1999, de Brian Helgeland, avec Mad Mel » en criminel repoussant, le genre Ă tuer quelquâun uniquement pour prouver Ă son boss quâil en est capable. Mais une fois quâil est confrontĂ© Ă un gang rival encore plus nausĂ©eux, on ne peut sâempĂȘcher de prendre fait et cause pour son personnage. On imagine alors ce quâaurait donnĂ© une association avec Martin Scorsese, autre catholique passĂ© maĂźtre dans lâart de suivre des personnages au comportement pathologiquement abject sans les absoudre. Dans La Rançon 1996, de Ron Howard, Gibson est un pĂšre totalement instable aprĂšs le kidnapping de son enfant ; un homme tour Ă tour fou, Ă©pouvantĂ© et inapte Ă arranger la situation. Enfin, lâĂ©trange Complots 1997, de Richard Donner, voit notre star jouer un chauffeur de taxi poignant, parano et obsĂ©dĂ© par une avocate Julia Roberts. Il est Ă chaque fois ce quâil y a de mieux dans ces films, et sa capacitĂ© Ă incarner lâambivalence rend son jeu indispensable. Cycle Mel Gibson, tous les vendredis de septembre, sur TCM CinĂ©ma. Lâarme fatale, vendredi 6 septembre, Ă 22h30. Payback, vendredi 13 septembre, Ă 20h50.⊠TCM CinĂ©ma amĂ©ricain Mel Gibson Richard Donner Danny Glover Franco Zeffirelli Steve Miner Brian Helgeland Ron Howard Abrams Partager Contribuer Sur le mĂȘme thĂšme
SURPRISE- L'acteur amĂ©ricain Danny Glover s'inquiĂšte des prochaines Ă©lections prĂ©sidentielles en France, soucieux qu'un clivage Clinton/Trump ne se reproduise dans l'Hexagone. Avec Mark Ruffalo, Noam Chomsky et Eve Ensler, il cosigne une pĂ©tition appelant Ă soutenir "le candidat de la gauche le plus haut dans les sondages".C'est une success story comme seul Hollywood peut en Ă©crire. Los Angeles, Californie, milieu des annĂ©es 80. Tout frais sorti de l'UCLA, l'une des plus illustres universitĂ©s de Californie, dont sont issus des personnalitĂ©s aussi diverses que John Carpenter, Ben Stiller, le compositeur de Star Wars John Williams ou les Doors, Shane Black, jeune adolescent amĂ©ricain rĂȘvant de devenir acteur, cherche un moyen de gagner un peu d'argent. Sur les conseils de son ami et futur rĂ©alisateur Fred Dekker, il dĂ©cide de s'essayer Ă l'Ă©criture d'un scĂ©nario. En quelques semaines, les deux compĂšres rĂ©digent Shadow Company, une histoire de vĂ©tĂ©rans du Vietnam zombies lĂąchĂ©s dans une ville californienne massacrant tout ce qui bouge, qui leur vaut de trouver immĂ©diatement un agent. Le script est bientĂŽt optionnĂ© par Universal, avec Walter Hill comme producteur, et John Carpenter comme rĂ©alisateur. On a vu pire, pour un premier essai...LâArme fatale le Black cocktailShadow Company ne se fera jamais. Mais chauffĂ© par l'expĂ©rience, Shane Black rĂ©dige en six semaines en solo son deuxiĂšme script, Lethal Weapon, que son agent parvient Ă vendre en 3 jours au producteur Joel Silver, pour 250 000 dollars ! Shane Black a alors 23 ans. Le film est certes rĂ©alisĂ© avec un budget proche du nĂ©ant dans des dĂ©cors naturels la villa oĂč un trafiquant de drogue se noie dans la piscine, dont se moque le Sgt Riggs/Mel Gibson, est la propre maison du rĂ©alisateur du film, Richard Donner. Mais Lethal Weapon - L'Arme Fatale -, marque un tournant dans l'Ăšre du cinĂ©ma Ă gros bras en revenant, en pleine pĂ©riode Rambo, Conan, Robocop et Terminator, Ă des personnages plus humains. Black invente un mĂ©lange aussi inĂ©dit que dĂ©tonnant d'action, de polar noir et de comĂ©die inspirĂ©e des 3 Stooges. Et la formule fait mouche L'Arme Fatale est un Ă©norme succĂšs, qui offre Ă Mel Gibson un nouveau rĂŽle emblĂ©matique aprĂšs Mad Max. Nous sommes alors en 1987, et Shane Black, qui joue aussi l'un des rĂŽles principaux dans Predator de John McTiernan souvenez-vous, le Sgt Hawkins et sa blague sur une chatte gĂ©ante qui renvoie un Ă©cho c'Ă©tait lui !, est propulsĂ© dans la stratosphĂšre. C'est le dĂ©but de l'Ăąge d'or. Avec son ami Fred Dekker, il co-Ă©crit The Monster Squad que Dekker rĂ©alise, et apparaĂźt dans Flic ou Zombie de Mark Goldblatt Ă©crit par son frĂšre Terry Black. Avec le succĂšs vient la dĂ©cadence. Shane Black organise des fĂȘtes qui deviennent lĂ©gendaires, auxquelles tout le gratin d'Hollywood se bat pour entrer. A cette Ă©poque, le jeune scĂ©nariste est rĂ©ellement le pivot crĂ©atif de tout un pan du cinĂ©ma d'action amĂ©ricain c'est aussi lui qui a eu l'idĂ©e de changer le titre de l'adaptation du roman Nothing Lasts Forever en Die Hard, toujours pour Silver. Die Hard Ă©tait en effet Ă l'origine le titre d'un autre de ses scripts, qui nâavait rien Ă voir et ne sera jamais fatale 2 la gueule de boisEn 1988, Joel Silver lui rĂ©clame une suite Ă L'Arme Fatale, que Black avait de toute façon dĂ©jĂ prĂ©vue dĂšs l'Ă©criture du premier scĂ©nario la derniĂšre page Ă©tait blanche, avec au milieu les mots "Martin Riggs will return in Lethal Weapon 2 Bodycount". Il rĂ©dige donc une premiĂšre version de L'Arme Fatale 2 avec le romancier Warren Murphy... dans laquelle il tue le personnage de Martin Riggs ! StupĂ©fait, mais habituĂ© aux excĂšs du scĂ©nariste dans une premiĂšre version de L'Arme Fatale, Shane Black faisait exploser un camion rempli de cocaĂŻne juste au dessus du signe HOLLYWOOD !, Silver l'Ă©carte du projet qui est réécrit par Jeffrey Boam et conserve la fĂ©rocitĂ© de l'original. Le film amorce un autre changement dans le paysage cinĂ©matographique amĂ©ricain, en commençant, et c'est une date, Ă intĂ©grer le style des bastons et gunfights de Hong Kong, alors inconnu du grand public, mais qui fait rage dans les milieux cinĂ©philes oĂč les copies VHS des polars de John Woo et des productions Tsui Hark s' l'espace de deux ans, le jeune scĂ©nariste aura rĂ©ussi Ă changer le visage du cinĂ©ma d'action en le rendant plus humain et drĂŽle, Ă trouver le titre de la sĂ©rie de films avec Bruce Willis qui va devenir lĂ©gendaire, et Ă mettre en place avec la sĂ©rie qu'il a créée un conduit entre le cinĂ©ma asiatique et l'Occident. Il n'a mĂȘme pas 30 ans. Câest du jamais vu. Mais cĂŽtĂ© coulisses, Shane Black va trĂšs mal. Trop de succĂšs, trop tĂŽt. Souffrant d'avoir Ă©tĂ© Ă©cartĂ© de L'Arme Fatale 2, il culpabilise d'avoir gagnĂ© trop d'argent en si peu de temps. Un sentiment exacerbĂ© par ce qu'il considĂšre comme une dĂ©naturation de ses intentions originales et de son style le montage du premier Arme Fatale fait de Riggs un personnage secondaire l'intention de dĂ©part sera plus tard recentrĂ©e par le montage director's cut, disponible en DVD, et la noirceur originelle est attĂ©nuĂ©e au profit de l' Dernier Samaritain tapis !En pleine dĂ©pression, jugĂ© par ses amis comme aussi suicidaire que Martin Riggs le personnage de L'Arme fatale serait l'alter-ego parfait du scĂ©nariste, il songe mĂȘme Ă se rendre Ă Las Vegas pour parier le contenu intĂ©gral de son compte en banque sur le rouge Ă la roulette - son ami l'acteur Jim Birge, qui apparaĂźt dans L'Arme Fatale 2, arrivera heureusement Ă l'en dissuader. Les choses ne vont pas s'arranger par la suite alors que Black est au plus bas psychologiquement, il Ă©crit Le Dernier Samaritain. Le personnage central du film, Joe Hallenbeck Bruce Willis, est un homme brisĂ©, reflĂ©tant son Ă©tat d'esprit d'alors. A lâissue dâune vente aux enchĂšres historique, le script est achetĂ© en 1991 pour le chiffre record de millions de dollars. MalgrĂ© lui, Black se retrouve brandi comme un modĂšle de rĂ©ussite Ă Hollywood, alors qu'une fiĂšvre s'empare de la ville, les studios se mettant Ă acheter Ă prix d'or des scĂ©narios dĂ©jĂ terminĂ©s, faisant voler en Ă©clats le systĂšme habituel trouver un sujet de quelques lignes avant d'embaucher des scĂ©naristes interchangeables pour l'Ă©crire et le Le Dernier Samaritain, Joel Silver poursuit l'intĂ©gration de l'influence HK dans le cinĂ©ma amĂ©ricain influence de plus en plus sensible dans L'Arme Fatale 3 et 4, puis dominante dans la saga Matrix, mais aussi la volontĂ© des studios d'adoucir la noirceur des scĂ©narios de Black pour en privilĂ©gier l'humour. Le film est un demi-succĂšs en regard des sommes dĂ©boursĂ©es pour le script, et il ne deviendra pas une franchise, malgrĂ© la volontĂ© Ă©vidente de l' Action Hero erreur fataleShane Black essuie alors de nombreuses critiques de la part de ses pairs qui le considĂšrent comme un vulgaire entrepreneur. DĂ©stabilisĂ©, il se compromet dans le fiasco Last Action Hero qu'il accepte de réécrire pour la somme de 1 million de dollars. Ce choix malheureux en dehors du montant du chĂšque va marquer le dĂ©but de la fin de sa success story. Le scĂ©nario dâorigine de Zack Penn et Adam Leff est conçu comme une parodie critique des productions Silver et des propres scĂ©narios de Black, qui commet ce qui s'apparente Ă un suicide artistique en acceptant de le réécrire. Il grossit le trait et trivialise sa marque de fabrique du hĂ©ros dĂ©pressif dans une version pour enfants PG-13 qui fait peine a voir, et annonce la fin d'une Ăšre magique qu'il avait pourtant participĂ© Ă crĂ©er. A la fois dĂ©primant et fascinant Ă regarder, le film, attendu comme le plus grand succĂšs de l'annĂ©e 1993, avec un Arnold Schwarzenegger surfant sur la vague de Terminator 2, est un bide monumental au revoir Ă jamais le chant du cygneCette fois, Black dĂ©raille. Il apparaĂźt la mĂȘme annĂ©e en flic dans un autre ratage, Robocop 3 de son ami Fred Dekker - qui se condamne ainsi automatiquement Ă la movie jail et ne rĂ©alisera plus jamais un film aprĂšs. Certes, son scĂ©nario suivant, Au revoir Ă jamais, pulvĂ©rise encore un record puisqu'il est vendu, aprĂšs une violente compĂ©tition entre les studios, Ă New Line, pour la somme astronomique de 4 millions de dollars !. "Qu'est ce que vous vouliez que je fasse ?" dĂ©clarera Shane Black plus tard, "RĂ©pondre non merci, je prĂ©fĂšre vous le vendre pour 250 000 ?". Sans doute que ce choix lui aurait Ă©vitĂ© le retour de bĂąton qui va suivre alors qu'il encaisse le chĂšque et s'achĂšte un manoir dans Hancock Park, sa vie privĂ©e s'Ă©croule. Jaloux de son succĂšs, ses amis d'adolescence, qui eux n'arrivent pas Ă vendre le moindre script, le laissent tomber. L'un deux lui enverra par la poste un RIB avec un message lui demandant de lui faire un virement du montant auquel il estime leur amitiĂ©. Black dĂ©posera sur le compte une grosse somme, mais ne le reverra plus jamais. Au revoir Ă jamais, qui porte bien son nom, est une version fĂ©minine de Jason Bourne avant l'heure qui vaut mieux que sa rĂ©putation. Mais aprĂšs Last Action Hero, comment prendre le genre au sĂ©rieux ? Au revoir Ă jamais recoupe Ă peine son budget Ă l'international, et sonne aussi le glas du rĂ©alisateur Renny Harlin et de son idylle avec l'actrice Geena Davis. Black se retrouve ostracisĂ© du jour au lendemain Ă Hollywood et sombre dans l'oubli, au moment oĂč, coĂŻncidence ? L'Arme Fatale livre un quatriĂšme et ultime FakrikianA suivre dans l'histoire secrĂšte de Shane Black, Ă©pisode 2 Les annĂ©es noires
NĂ©en avril 1916 Ă San Diego, en Californie, Gregory Peck est un acteur amĂ©ricain, il est mĂȘme classĂ© douziĂšme acteur de lĂ©gende par l' American Film Institute, grĂące Ă ses nombreux rĂŽles restĂ©s cĂ©lĂšbres et figure avec l'un de ses personnages Ă la premiĂšre place des cent plus grands hĂ©ros de films. Viril, bel homme, garant des valeurs et de la morale dans ses
George Lucas vs Jean-Luc Godard, blockbusters contre films dâauteur », voir aussi Les clichĂ©s ne manquent quand on cherche les diffĂ©rences entre le cinĂ©ma amĂ©ricain et le cinĂ©ma français. Et pourtant⊠On va vous prouver en 15 films quâon nâa rien Ă envier Ă nos cousins ricains, bien au contraire ! Pour le meilleur et pour le pire, parfois, on lâavoue soyons fiers de nos films et rions de nos singularitĂ©s. Merci Ă Canalplay et Ă sa sĂ©lection de fĂ©vrier de films AlaFrancaise, qui nous a aidĂ©s Ă vous concocter cette liste parfaite 1. Les scĂšnes de sexe Aux Ătats-Unis, il existe⊠le drap magique ! Vous savez, celui qui sâarrĂȘte pile au niveau du bas-ventre de monsieur, et comme par hasard juste au-dessus de la poitrine de madame, aprĂšs une scĂšne de sexe. Magique, on vous dit. Love & autres drogues Nous, on ose ! Et ce nâest pas nouveau. En 1963 il y a 53 ans dĂ©jĂ ! Jean-Luc Godard a osĂ© un plan fixe de 3 minutes sur les magnifiques fesses de Brigitte Bardot. Câest la fameuse sĂ©quence mondialement connue Et mes fesses, tu les aimes mes fesses ? » Le mĂ©pris, en fĂ©vrier sur Canalplay 2. Nos love-stories Ă©vitent dâen faire des tonnes dâeau Aux Ătats-Unis, câest toujours fleur bleue et romance, avec couple composĂ© dâun homme sexy et dâune femme presque mannequin, et au dĂ©nouement obligatoire sous des trombes dâeau. Comme celles de "N'oublie jamais", avec Ryan Gosling et Rachel McAdams N'oublie jamais Alors que chez nous, tout est dans la subtilitĂ© et le charisme une barbe mal rasĂ©e, un style affĂ»tĂ©, une approche tout en douceur⊠On est tous des Romain Duris et Vanessa Paradis, au fond. ! LâArnacoeur 3. Dans les films amĂ©ricains, les acteurs sont toujours propres sur eux et bien coiffĂ©s. Lâeffet Hollywood » Gatsby le Magnifique Nous, les hĂ©ros, on les prĂ©fĂšre un peu voyous, bruts. MĂȘme si, parfois, comme notre Alain Delon national, ĂȘtre lâacteur Français le plus connu du monde peut leur monter Ă la tĂȘte et les amener Ă parler dâeux Ă la troisiĂšme personne⊠Tiens, ça nous donne envie de revoir Le GuĂ©pard » notre French guĂ©pard, en fĂ©vrier sur Canalplay 4. Les AmĂ©ricains savent trĂšs bien faire des effets spĂ©ciaux et câest pour ça quâils nous bluffent Quand sortaient le tout premier Star Wars 1977 et Rencontres du troisiĂšme type 1978⊠Rencontres du troisiĂšme type ⊠nous, on eu droit au Gendarme et les extraterrestres » ou encore Ă La soupe aux choux ». Yeeeeeeeeeeeeaaaaaaaaaaaahhhh ! La soupe aux choux On en aura mis du temps, mais il a fallu attendre 1995 et lâaudace de Luc Besson pour sortir Le CinquiĂšme ĂlĂ©ment », premier vrai blockbuster » français, filmĂ© Ă lâamĂ©ricaine. Le CinquiĂšme ĂlĂ©ment 5. La religion Aux Etats-Unis, on fait dans le politiquement correct ». Critiquer la religion ne se fait pas. La passion du Christ Alors que nous, on a Jean Yanne et ses 4,6 millions dâentrĂ©es cinĂ© avec Deux heures moins le quart avant JĂ©sus-Christ » 1982, ou qui nâhĂ©sitait pas Ă Ă©gratigner les bonnes soeurs dans le cultissime Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » 1973. Jean tu nous manques ! Deux heures moins le quart avant JĂ©sus-Christ, en fĂ©vrier sur Canalplay 6. Les amĂ©ricains ont des scĂšnes cultes au resto Comme la cultissime scĂšne de lâorgasme dans le film Quand Harry rencontre Sally ». Mais cĂŽtĂ© bouffe, ce nâest pas vraiment çaâŠQuand Harry rencontre Sally Nous, en bons Français que nous sommes, on prĂ©fĂšre rigoler entre potes ou en famille autour dâun bon plat et dâune bonne bouteille Ă consommer avec modĂ©ration. Faut pas plaisanter avec lâessentiel. Le premier jour du reste de ta vie, en fĂ©vrier sur Canalplay 7. La vision de la mĂ©decine nâest clairement pas la mĂȘme⊠Eux, ils ont George Clooney Ă la tĂ©lĂ© ou Robbin Williams RIP ! au cinĂ©ma, dans des rĂŽles de docteurs au grand cĆur qui en font des tonnes. Dr Patch Nous, on a de jeunes toubibs plus vrais que nature, qui nous touchent car on peut sâidentifier Ă eux. Hippocrate 8. Deux visions bien diffĂ©rentes de la police Dans les films amĂ©ricains les flics assurent sur tous les plans, jusquâaux look et Ă la coiffure comme Martin Riggs Mel Gibson et Roger Murtaugh Danny Glover, de lâArme Fatale ». L'Arme Fatale Alors que nous, on a un penchant pour les flics bien dĂ©pressifs, limite grosses brutes Ă la peau tannĂ©e par le chagrin, blessĂ©s par la vie. Comme dans MR73 » ou Quai des OrfĂšvres ». MR73, en fĂ©vrier sur Canalplay 9. Les films amĂ©ricains finissent toujours bien happyend DĂšs le dĂ©part, on sait trĂšs bien que le hĂ©ros, peu importe ce quâil lui arrive ou dans quelle situation improbable il se trouve, ne mourra pas. Pire encore, aprĂšs les 20 premiĂšres minutes du film, on peut presque deviner la fin. Pearl Harbor Nous, on nâhĂ©site pas Ă faire mourir Jean Dujardin notre Artist » ! pour avoir droit Ă une bonne leçon sur le sens de la vie donnĂ©e par Jean-Louis, lâostrĂ©iculteur philosophe dans Les Petits Mouchoirs ». Les petits mouchoirs 10. La Science-Fiction, on en parle ? Aux Etats-Unis, leurs mondes inconnus sâappellent Avatar », Tatoouine Star Wars » ou encore Tomorrowland »⊠Avatar Chez nous, pas besoin dâaller bien loin pour aller explorer un monde quâon ne connaĂźt pas⊠Comme celui de Bienvenue chez les chtis », qui a permis Ă plus de 20 millions de Français dâavoir enfin une idĂ©e sur les gens du Nord plutĂŽt que des prĂ©jugĂ©s. Bienvenue chez les Châtis 11. Les AmĂ©ricains sont toujours trop PAR-FAITS Aux Ătats-Unis, mĂȘme dans des films historiques prenant place des milliers d'annĂ©es avant notre Ă©poque, les hĂ©ros ont des dents parfaites et un sourire ultrabrite. Ils sont forts ces AmĂ©ricains ! 300, en fĂ©vrier sur Canalplay En France, on est Ă fond dans le rĂ©alisme. Le meilleur exemple reste Jacquouille, des Visiteurs », quâon rĂȘve tous dâembrasser ! OOKAAAAYYY ! Les Visiteurs 12. Nos dĂ©cors sont plus naturels OK, ça ne concerne pas tous les films amĂ©ricains. Mais une bonne partie dâentre eux, effets spĂ©ciaux obligent ou rĂ©duction des coĂ»ts de transport, sont tournĂ©s sur fonds verts. Pas trĂšs fun, finalement⊠Matrix Alors que nous, on privilĂ©gie toujours le naturel. Parce que le rendu final est mieux. Le HuitiĂšme Jour, en fĂ©vrier sur Canalplay 13. La crĂ©dibilitĂ© des rĂ©pliques Dans les gros blockbusters amĂ©ricains, les hĂ©ros sortent toujours des rĂ©pliques hyper badass et trĂšs rĂ©flĂ©chies, dans des moments oĂč la tension est Ă son comble. Un exemple connu ? Le Hasta la vista, baby » de Terminator 2. Mais sĂ©rieusement, qui dit ça en vrai ? Terminator 2 En France, les rĂ©pliques cultes peuvent ĂȘtre tout aussi improbables⊠mais franchement plus drĂŽles. Exemple J'aime me beurrer la biscotte », sorti tout droit du cultissime OSS 117 ». OSS 117 - Le Caire, nid d'espions 14. Des adaptations de BD plus originales CĂŽtĂ© amĂ©ricain, on croule sous les adaptations spectaculaires de comics, comme Avengers, Spider-Man, Les 4 Fantastiques ou encore Superman. Au point de⊠frĂŽler la saturation. Avengers Nous, dans AstĂ©rix et ObĂ©lix au service de sa MajestĂ© », on a certes moins dâeffets spĂ©ciaux mais on a un casting trois Ă©toiles composĂ© de Guillaume Galienne, Edouard Baer, ValĂ©rie Lemercier, Catherine Deneuve et mĂȘme notre GĂ©gĂ© national la classe, quoi⊠et la crise de rire assurĂ©e ! AstĂ©rix et ObĂ©lix Au service de Sa MajestĂ© 15. Paris Vs New York la guerre des clichĂ©s Quand les amĂ©ricains posent leurs valises Ă Paris, bonjour les clichĂ©s tous les appartements ont vue sur la Tour-Eiffel, on porte tous des bĂ©rets, on boit et on fume comme des dĂ©ratĂ©s et on roule tous en 4L. Midnight in Paris Mais quand nous, Français, allons Ă New York, on assume de se moquer de nos dĂ©calages de cultures Comment ça, ils nâont pas autant de fromages que nous ? Et pourquoi ils mangent aussi tĂŽt ? Oh ça va, on peut se balader en petite tenue chez nous, câest bon⊠» Two days in New York, en fĂ©vrier sur Canalplay Les films français cartonnent, dâaprĂšs les chiffres officiels. Câest dâailleurs chez nous, en France, que la frĂ©quentation est la plus Ă©levĂ©e dâEurope ! Pas de blockbuster ? Pas dâeffets spĂ©ciaux ? Oui. Mais nous, on a lâhumour, lâhistoire, la mise en scĂšne et le souci constant du vrai ». Et câest ça qui fait notre charme. En fĂ©vrier, CANALPLAY vous propose de dĂ©couvrir ou redĂ©couvrir ces films du cinĂ©ma Ă lafrançaise et il y en a pour tous les goĂ»ts. Retrouvez ici cette sĂ©lection, vous ne serez pas déçu ! Lastar des annĂ©es 80 et 90 fait son retour derriĂšre la camĂ©ra avec Tu ne tueras point mettant en scĂšne un hĂ©ros amĂ©ricain de la Seconde Guerre qui refusa de porter les armes. On avait retrouvĂ© Mel Gibson acteur fin aoĂ»t Ă lâaffiche du polar Blood Father rĂ©alisĂ© aux Etats-Unis par le Français Jean-François Richet. 1Lâindustrie cinĂ©matographique amĂ©ricaine reprĂ©sente Ă la fois un reflet de la puissance de Washington et lâun des meilleurs promoteurs de ses valeurs. Cet outil du soft power constitue, lorsquâil est intelligemment utilisĂ© par les autoritĂ©s, une arme nettement plus redoutable que les attributs traditionnels de la puissance. Dans une sociĂ©tĂ© oĂč le poids des images sâimpose souvent sur les discours politiques, Hollywood met ainsi en scĂšne une AmĂ©rique tantĂŽt bienveillante et porteuse de valeurs universelles, tantĂŽt dangereuse et punitive, voire impĂ©rialiste. Le palmarĂšs du Festival de Cannes 2004 qui consacra Fahrenheit 9/11 de Michael Moore, illustre Ă ce titre les lignes de fracture pouvant exister entre le monde de la politique et celui des spectacles [2]. Washington a ainsi vite appris Ă mĂ©nager un alliĂ© utile et puissant. Sur la base dâune sorte de contrat donnant, donnant », les relations entre le monde du spectacle et celui de la politique ne cessĂšrent de sâintensifier au fur et Ă mesure que les Ătats-Unis sâimposaient comme la nation indispensable ». Les stratĂšges de Washington offrirent ainsi Ă Hollywood ses meilleurs scĂ©narios, tandis que la citĂ© des anges » reflĂšte les tendances dâune Ă©poque et des choix politiques qui la caractĂ©risent. 2Doit-on pour autant considĂ©rer que ces deux caractĂ©ristiques de la puissance amĂ©ricaine sont liĂ©es, au point mĂȘme de se confondre ? Pas nĂ©cessairement. Comme le rappelle Jean-Paul Marthoz, la victoire en 1980 de lâacteur de sĂ©rie B, Ronald Reagan, ne doit pas ĂȘtre attribuĂ©e en premier lieu aux facĂ©ties dâun systĂšme politique hollywoodien. Elle sâexplique surtout par une vĂ©ritable contre-rĂ©volution intellectuelle lancĂ©e dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1960 et remettant en cause le consensus libĂ©ral de lâaprĂšs-guerre et la contestation de la guerre du ViĂȘtnam » [3]. Hollywood se contenterait ainsi de servir dâintermĂ©diaire entre le spectateur et lâacteur de la vie politique. Cette situation a cependant fortement Ă©voluĂ© depuis la fin de la guerre froide, les liens entre les deux univers se sont renforcĂ©s au point de se confondre, la survie de lâun Ă©tant dĂ©pendante de lâautre. WASHINGTON SUPERSTAR 3DĂšs ses origines, le septiĂšme art fut utilisĂ© pour mettre en scĂšne la puissance Ă©mergente. Ainsi, en 1898, le Britannique James Stuart Blackton, cofondateur de la sociĂ©tĂ© de production Vitagraph et pionnier du cinĂ©ma amĂ©ricain, constatant quâil nâexistait pas dâimages animĂ©es des quatre mois du conflit qui opposa lâEspagne aux Ătats-Unis Ă Cuba, entreprit, pour combler cette lacune, de tourner la mĂȘme annĂ©e dans les studios de sa sociĂ©tĂ© Ă New York un film de quelques minutes, intitulĂ© Tearing Down the Spanish Flag, dans lequel un soldat amĂ©ricain remplace le drapeau espagnol par la banniĂšre Ă©toilĂ©e. Cette fiction passa longtemps pour un Ă©pisode authentique. Il faut cependant attendre 1915, deux ans avant lâengagement amĂ©ricain dans le conflit europĂ©en, pour voir le premier vrai grand film de guerre amĂ©ricain, Naissance dâune nation [4], de David Wark Griffith, pour lequel des ingĂ©nieurs de lâacadĂ©mie militaire de West Point apportĂšrent une aide logistique, notamment sur les sĂ©quences concernant la guerre civile. Ce film marque le dĂ©but dâune longue relation entre Hollywood et le Pentagone, que retrace lâhistorien militaire Lawrence H. Suid dans Guts and Glory [5]. DĂšs lors, le cinĂ©ma ne quitte plus le front et fait les beaux jours de la propagande. Les conflits sont illustrĂ©s Ă la fois par des images rĂ©elles et des films de fiction, le moindre des paradoxes nâĂ©tant pas de voir des cinĂ©astes professionnels chargĂ©s de produire les premiĂšres alors que dâauthentiques combattants participent aux seconds. 4Pendant la Seconde Guerre mondiale, les plus grands rĂ©alisateurs Frank Capra, John Ford, John Huston ou William Wyler participent Ă lâeffort de guerre. Câest J. Ford lui-mĂȘme qui dirige le service cinĂ©matographique de lâOffice of Strategic Service OSS, lâancĂȘtre de la Central Intelligence Agency CIA. Il rĂ©alise dans le cadre de ses activitĂ©s La bataille de Midway [6], un documentaire de propagande pour lequel il reçoit lâoscar du court mĂ©trage, puis Pearl Harbor [7] en 1943. Ă cette mĂȘme Ă©poque, F. Capra nâest pas en reste. NĂ© Ă Palerme, il se met au service de Franklin D. Roosevelt et tourne, entre 1942 et 1945, Pourquoi nous combattons [8], une sĂ©rie de sept films supervisĂ©s par le haut commandement militaire et destinĂ©s Ă Ă©duquer les nouvelles recrues. Dâautres rĂ©alisateurs vont encore plus loin en 1944, Lewis Milestone diabolise lâennemi japonais dans un film aux forts relents racistes, Les prisonniers de Satan [9]. Cette production montre les limites qui distinguent le film de guerre de lâoutil de propagande, tout en ouvrant de nouvelles perspectives en matiĂšre dâutilisation du cinĂ©ma Ă des fins politiques. La pĂ©riode de guerre froide offre elle aussi aux scĂ©naristes de Hollywood des succĂšs assurĂ©s, des films de science-fiction des annĂ©es 1950 aux films dâespionnage Ă partir des annĂ©es 1960. Lâopposition Est/Ouest est portĂ©e sur les Ă©crans, et les risques de guerre nuclĂ©aire dĂ©clinĂ©s sous toutes les formes. 5AprĂšs une intense pĂ©riode de glorification de Iwo Jima [10] de Allan Dwan en 1949 Ă Le jour le plus long [11] en 1962, des productions plus mesurĂ©es comme Point Limite ZĂ©ro [12] de Sidney Lumet, et surtout la satire fĂ©roce Docteur Folamour [13] de Stanley Kubrick, annoncent le temps de la contestation. Les annĂ©es 1970, Ă lâinstar de MASH [14] de Robert Altman, marquent lâapogĂ©e des productions antimilitaristes dans un contexte marquĂ© par la guerre du ViĂȘtnam et les protestations de lâopinion publique. La rĂ©alisation en 1968 du film Les BĂ©rets verts [15] de John Wayne fait Ă cet Ă©gard figure de chant du cygne. Les jeunes rĂ©alisateurs, que le rĂ©dacteur en chef de lâĂ©dition amĂ©ricaine de PremiĂšre, Peter Biskind, dĂ©signera sous le label nouvel Hollywood » dans son ouvrage Ă©ponyme [16], sâattaquent aux principes fondamentaux de leur pays, dans le cadre de mises en scĂšne dĂ©pourvues non seulement de happy end, mais surtout dâhorizon salvateur. Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, Stanley Kubrick ou Clint Eastwood affichent leurs diffĂ©rences avec les scĂ©naristes et rĂ©alisateurs libĂ©raux » au sens amĂ©ricain du terme. Bien au-delĂ des opinions personnelles des uns et des autres, ce conflit illustre le moment oĂč une part importante de Hollywood, câest-Ă -dire de la grande industrie de production idĂ©ologique amĂ©ricaine, dĂ©nonce le discours officiel dâun pays en situation de guerre. De nombreux rĂ©alisateurs refusent ainsi que lâarmĂ©e vienne sâimmiscer dans leurs affaires. Dans Au cĆur des tĂ©nĂšbres [17], le documentaire sur la genĂšse dâApocalypse Now [18], tournĂ© entre autres par Eleanor Coppola en 1975, son mari F. F. Coppola raconte quâil a prĂ©fĂ©rĂ© ne pas collaborer avec le Pentagone pour ses besoins en matĂ©riel car les militaires exigeaient de nombreux remaniements du scĂ©nario. Les changements quâils me demandaient Ă©taient par trop fondamentaux » y remarque le cinĂ©aste. Il choisit donc de louer des hĂ©licoptĂšres Huey et Chinook, des camions et des bateaux au commandant Ferdinand Marcos, alors prĂ©sident des Philippines, oĂč le film fut tournĂ©. Dans un autre style, le regard critique qui est fait de la guerre dans Au-delĂ de la gloire [19] en 1980 a dâautant plus de poids que le film a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par un ancien combattant couvert de mĂ©dailles, Samuel Fuller. Les relations sont alors plus que difficiles entre le Pentagone et Hollywood, considĂ©rĂ© comme un nid de dĂ©mocrates pacifistes ». WASHINGTON Ă LA PRODUCTION ? 6AprĂšs une dĂ©cennie de relations houleuses entre cinĂ©ma et politique, les annĂ©es Reagan voient un retour sur les Ă©crans des valeurs dâune AmĂ©rique triomphante du Mal, glorifiant le patriotisme et un certain militarisme. Avec Top Gun [20], les majors recommencent Ă ressembler Ă des bureaux dâenrĂŽlement Ă©troitement surveillĂ©s par le Pentagone. Le contrĂŽle des studios par les producteurs â au dĂ©triment des rĂ©alisateurs â amorce un changement comparable Ă ce qui se produira vingt ans plus tard avec les attentats du 11 septembre 2001. Comme lâa fait si justement remarquer Jim Hoberman, jamais depuis la grande Ă©poque des films de guerre reaganiens comme Rambo ou PortĂ©s disparus, Hollywood nâa semblĂ© aussi proche de Washington [21]. Ă la maniĂšre dâun front dĂ©mocratique contre lâ empire du Mal » dĂ©crit par R. Reagan, le contexte post-11 septembre Ă©tait propice Ă lâ union sacrĂ©e » [22], la devise Ă©tant dâunir toutes les forces de la nation dans la guerre contre le terrorisme. Face au scĂ©nario des attaques contre le World Trade Center, les saltimbanques » de Hollywood, champions dâun cinĂ©ma catastrophe ultrarĂ©aliste et ultraviolent, metteurs en scĂšne de lâ hyperterrorisme » high-tech, se seraient mĂȘme sentis un peu coupables. Leurs films auraient-ils pu donner de mauvaises idĂ©es aux ennemis de lâAmĂ©rique ? La Maison-Blanche leur a offert une occasion de se racheter, en sollicitant notamment leurs conseils avisĂ©s avant de lancer lâopĂ©ration LibertĂ© immuable » en Afghanistan. Les rencontres ont eu lieu dans un bĂątiment anonyme, Ă lâInstitut pour les technologies crĂ©atives ITC de la University of Southern California, Ă Marina del Rey. FondĂ© en 1999 et financĂ© par le Pentagone Ă hauteur de 45 millions de dollars sur cinq ans, lâITC est un centre dâentraĂźnement militaire dirigĂ© par un ancien des studios Universal et Paramount. Les petits gĂ©nies de Hollywood y aident notamment Ă crĂ©er des outils dâentraĂźnement virtuel pour lâarmĂ©e. Câest dire si les liens se sont resserrĂ©s. Câest lĂ que, le 17 octobre 2001, des conseillers du prĂ©sident George W. Bush ont rĂ©uni une quarantaine de patrons de studios et de rĂ©seaux de tĂ©lĂ©vision pour un sommet Ă huis clos destinĂ© Ă dĂ©finir le rĂŽle que Hollywood devait tenir pendant la durĂ©e du conflit. Il va sans dire quâil ne sâagissait en rien de propagande, mais seulement de la crĂ©ation dâun dĂ©tachement spĂ©cial non partisan des arts et du divertissement » se mettant au service dâune AmĂ©rique attaquĂ©e ! Les objectifs Ă©taient de faire passer des messages ciblĂ©s auprĂšs de lâopinion publique, Ă lâintĂ©rieur du pays, mais aussi au-delĂ des frontiĂšres. Si un milliard de personnes nous haĂŻssent, câest que lâAmĂ©rique ne fait pas un bon travail pour diffuser son message » rĂ©sumait alors Lionel Chetwynd, un rĂ©alisateur ayant participĂ© Ă cette rĂ©union. La guerre contre le terrorisme devait ĂȘtre menĂ©e sur tous les fronts. 7Par ailleurs, le 11 novembre 2001, Karl Rove, conseiller politique de G. W. Bush, rencontra Ă Hollywood des reprĂ©sentants des grands studios ainsi que Jack Valenti, prĂ©sident depuis prĂšs de trente ans de la Motion Pictures Association of America MPAA, qui regroupe les principaux studios amĂ©ricains. Lâobjectif de cette rĂ©union Ă©tait de coordonner la politique Ă©trangĂšre amĂ©ricaine avec les projets cinĂ©matographiques, afin dâĂ©viter des situations embarrassantes ayant pour effet dâaffaiblir la stratĂ©gie de Washington [23]. Câest sans doute Ă cette occasion que fut dĂ©cidĂ© le report de la sortie de films Ă caractĂšre trop violent et pouvant choquer une opinion publique dĂ©jĂ traumatisĂ©e par les attaques terroristes. 8Enfin, lâarmĂ©e amĂ©ricaine installa un bureau de liaison Ă Los Angeles, en plein cĆur de Hollywood, sâimposant ainsi comme un fidĂšle partenaire, mais aussi un grand frĂšre » tant bienveillant quâinquisiteur. Sur de nombreux films de guerre, lâarmĂ©e se trouve dĂ©sormais aux avant-postes. Les producteurs ont besoin dâĂ©quipements militaires et le Pentagone prĂȘte volontiers ses avions de chasse, ses blindĂ©s et mĂȘme ses porte-avions. Il ouvre ses bases aux camĂ©ras et met Ă disposition ses pilotes pour faire de la figuration, sans compter les multiples consultants techniques, parfois mĂȘme Ă titre gracieux. En Ă©change, il exige un droit de regard sur le scĂ©nario. Le contre-amiral Craig Quigley, chargĂ© de la communication au Commandement central, qui a dirigĂ© les opĂ©rations en Afghanistan, avoue lui-mĂȘme Il existe divers moyens de fournir de lâinformation au peuple amĂ©ricain. Le cinĂ©ma en est un excellent. » Unis dans lâĂ©preuve, cinĂ©astes et stratĂšges se sont rĂ©conciliĂ©s pour glorifier une AmĂ©rique conquĂ©rante et bienveillante. HOLLYWOOD ET LA MAISON-BLANCHE DEPUIS CLINTON UNE LOVE STORY ? 9Au cours des annĂ©es 1990, dans un contexte post-guerre froide, le Pentagone ne fut plus le seul organe du pouvoir mis en scĂšne Ă Hollywood. Les hommes politiques, et en particulier le prĂ©sident, devinrent des produits de marketing aussi vendeurs que les grands hĂ©ros. En sâattardant sur le quotidien de lâhomme le plus puissant de la planĂšte, et en entretenant avec lui des liens Ă©troits, Hollywood sâimposa comme une arme politique redoutable, utilisĂ©e tantĂŽt au profit et tantĂŽt Ă lâencontre de lâoccupant de la Maison-Blanche. 10En 1997 bien avant que nâĂ©clate le scandale du Monicagate », Des hommes dâinfluence [24] de Barry Levinson dĂ©crit avec un humour fĂ©roce les liens incestueux quâentretiennent dĂ©sormais le monde du cinĂ©ma et le pouvoir exĂ©cutif. Ă la veille des Ă©lections prĂ©sidentielles, un scandale sexuel Ă©clate Ă la Maison-Blanche. Pour faire diversion, le conseiller en communication du prĂ©sident, Conrad Brean incarnĂ© par Robert De Niro dĂ©cide de crĂ©er un Ă©vĂ©nement encore plus mĂ©diatique et fait appel au producteur hollywoodien Stanley Motss interprĂ©tĂ© par Dustin Hoffman, qui invente une fausse guerre en Albanie Ă lâaide dâimages de synthĂšse. Ce film illustre avec force un bouleversement notable ce nâest plus seulement Hollywood qui sâinspire de faits politiques rĂ©els pour concocter des scĂ©narios Ă lâinstar du film Les hommes du prĂ©sident [25], rĂ©alisĂ© seulement trois ans aprĂšs lâaffaire du Watergate. Le politique sâest mis lui aussi Ă sâinspirer de Hollywood pour arriver Ă ses fins. Lorsque La chute du faucon noir [26] est sorti sur les Ă©crans amĂ©ricains en dĂ©cembre 2001, le vice-prĂ©sident, Richard Cheney, et le secrĂ©taire Ă la DĂ©fense, Donald Rumsfeld, se sont rendus en personne Ă la premiĂšre Ă Washington [27]. La sortie fut mĂȘme avancĂ©e afin de profiter de lâeffet 11 septembre, et des cassettes du film furent envoyĂ©es aux bases amĂ©ricaines Ă lâĂ©tranger. Nous Ă©tions soldats [28] a eu droit au mĂȘme traitement officiel. Le film de Randall Wallace a ainsi Ă©tĂ© montrĂ© en projection privĂ©e Ă G. W. Bush, D. Rumsfeld, Condoleezza Rice et plusieurs cadres du Pentagone. Le Pentagone, mais aussi le FBI [Federal Bureau of Investigation] ou la NASA [National Aeronautics and Space Administration], ont chacun des conseillers qui travaillent dĂ©sormais main dans la main avec les industriels du cinĂ©ma » commente Ă ce sujet Nancy Snow, professeur Ă lâUniversitĂ© dâĂtat de Californie, et surtout une ancienne de la United States Information Agency USIA [29], lâagence de propagande amĂ©ricaine supprimĂ©e par William J. Clinton [30]. Ils leur offrent gĂ©nĂ©reusement du matĂ©riel et des donnĂ©es ultrasecrĂštes en Ă©change de scĂ©narios les prĂ©sentant sous un jour favorable. Dans un entretien accordĂ© au journal Le Monde [31], Charles Brandon, lâagent de liaison de la CIA chargĂ© de resserrer les liens avec Hollywood, sâinsurgeait du fait que ce nâest pas toujours le cas Nous sauvegardons la libertĂ© et la sĂ©curitĂ© des AmĂ©ricains. Nous luttons contre la prolifĂ©ration des armes de destruction massive [ADM] et le terrorisme. Et on nous montre au cinĂ©ma comme des vilains et non comme des hĂ©ros. Câest absolument insupportable. » Certains producteurs de Hollywood ont pourtant acceptĂ© de jouer le jeu de Washington, Ă lâinstar de la Paramount, qui a rĂ©alisĂ© avec le concours de la CIA La somme de toutes les peurs [32], en Ă©change de donnĂ©es classĂ©es confidentielles. Idem pour la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision CBS pour sa sĂ©rie JAG [33] en Ă©change dâun droit de regard sur lâhistoire, la CIA a communiquĂ© le dĂ©tail des procĂ©dures mises en place par le Pentagone pour juger des membres de Al-QaĂŻda. Elle va mĂȘme parfois encore plus loin en se faisant littĂ©ralement coscĂ©nariste, comme ce fut le cas pour la sĂ©rie Espion dâĂtat [34], dont deux saisons ont Ă©tĂ© produites par le rĂ©alisateur dâorigine allemande, Wolfgang Petersen. 11La prĂ©sidence de W. J. Clinton marqua lâapogĂ©e de lâidylle Hollywood-Washington, le prĂ©sident comptant parmi ses proches de nombreux acteurs et nâhĂ©sitant pas, comme il le fit Ă la fin de son mandat, Ă mettre en scĂšne sa vie quotidienne Ă la Maison-Blanche [35]. Cela ne fut pas sans consĂ©quence. Ainsi, un groupe de pression rĂ©publicain força la chaĂźne CBS Ă renoncer Ă la diffusion de la sĂ©rie The Reagans en novembre 2003, car lâacteur principal et interprĂšte de R. Reagan, James Brolin, Ă©tait mariĂ© Ă Barbara Streisand, elle-mĂȘme proche de W. J. Clinton et dĂ©mocrate militante [36]. 12On assiste aujourdâhui davantage Ă un sentiment patriotique quâĂ un soutien militant Ă lâAdministration Bush, dont les cinĂ©astes ne partagent a priori pas, dans lâensemble, les convictions. Mais les grandes stars de Hollywood sont lĂ pour rappeler que lâAmĂ©rique se place au-dessus de tous les clivages partisans. Alors quâil faisait la promotion de Minority Report en Italie en 2002, Steven Spielberg sâest dit favorable Ă une action militaire contre lâIrak Si le prĂ©sident a, comme je le crois, des informations sur le fait que Saddam [Hussein] fabrique des armes de destruction massive, je ne peux que soutenir sa politique. » G. W. Bush ne pouvait rĂȘver meilleur ambassadeur. HOLLYWOOD, ACTEUR DE LA VIE POLITIQUE AMĂRICAINE 13Symbole de la puissance amĂ©ricaine, lâindustrie cinĂ©matographique sâimpose aujourdâhui comme un vĂ©ritable acteur des relations internationales, Ă la fois incarnation et dĂ©fenseur des valeurs de Washington. Ainsi, nâimporte oĂč dans le monde, dĂšs que la question du cinĂ©ma est abordĂ©e, le lobby hollywoodien passe Ă lâoffensive. La stratĂ©gie de la MPAA consiste Ă intervenir dans les organisations internationales, telles que lâOrganisation mondiale du commerce OMC et lâOrganisation des Nations unies pour lâĂ©ducation, la science et la culture UNESCO, mais aussi de maniĂšre plus informelle, dans les accords de commerce bilatĂ©raux. Les AmĂ©ricains ont ainsi proposĂ© Ă trois pays francophones africains un marchĂ© peu acceptable Soit vous libĂ©ralisez lâaudiovisuel, soit nous vous supprimons lâaide alimentaire. » [37] Afin dâinoculer au public de tous les pays le virus du cinĂ©ma amĂ©ricain, la MPAA nâhĂ©site pas parfois Ă vendre au rabais ses films dĂ©jĂ rentabilisĂ©s sur son marchĂ© domestique et en Europe. Au plus fort de la crise argentine, les majors ont ainsi prĂ©fĂ©rĂ© abandonner Ă perte leurs films aux exploitants locaux. En Europe de lâEst, lâUnion europĂ©enne [UE] est arrivĂ©e avec sa lĂ©gislation, les AmĂ©ricains sont venus avec des films, des cassettes et ont immĂ©diatement pris position dans les circuits de salles, les chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision » souligne Ă ce titre Xavier Merlin, directeur des Affaires europĂ©ennes et internationales du Centre national de la cinĂ©matographie CNC [38]. 14De vecteur de la puissance amĂ©ricaine, Hollywood est passĂ© Ă lâaction, que ce soit par lâengagement politique de ses vedettes les plus emblĂ©matiques [39] ou par le biais de productions Ă©tablissant une distinction de plus en plus imprĂ©cise entre les deux mondes. On finit par sâinterroger sur un transfert dâinfluence par lequel ce serait Hollywood qui orienterait Washington, dâabord en exploitant les structures du pouvoir pour en faire des success stories, puis en mettant en scĂšne des situations que les autoritĂ©s politiques ne peuvent que reproduire, sous peine de paraĂźtre moins professionnelles que leurs clones en studios. Lors de sa campagne Ă©lectorale pour le poste de gouverneur de Californie, lâacteur Arnold Schwarzenegger, dâorigine autrichienne et naturalisĂ© AmĂ©ricain en 1983, reçut le soutien de nombreux artistes et sâentoura dâune Ă©quipe de conseillers tant rĂ©publicains que dĂ©mocrates, dont lâacteur Rob Lowe, arguant quâil Ă©tait crĂ©dible dans son rĂŽle de conseiller du prĂ©sident dans la sĂ©rie Ă la Maison-Blanche [40]. Ainsi, ce nâest pas tant la victoire dâun acteur aux Ă©lections que cet aspect de sa campagne qui illustre le poids de lâimage en politique, que Hollywood sait manier mieux que quiconque. 15Le succĂšs de lâexcellente sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e K Street, nom de la rue Ă Washington dans laquelle se croisent les multiples conseillers et lobbyistes gravitant autour des pouvoirs exĂ©cutif et lĂ©gislatif, symbolise une Ă©volution sensible dans la relation cinĂ©ma-pouvoir. La sĂ©rie met en scĂšne des acteurs et de vĂ©ritables conseillers politiques, tant rĂ©publicains que dĂ©mocrates, jouant leur propre personnage. Ainsi, les rĂŽles sâinversent au point de ne mĂȘme plus savoir oĂč se situe la frontiĂšre entre fiction et rĂ©alitĂ©, entre scĂ©nario et discours politique. 16En fait, depuis son dĂ©veloppement dans les annĂ©es 1960, la tĂ©lĂ©vision joue un rĂŽle tout aussi primordial que le cinĂ©ma. Outre plĂ©thore de documentaires biographiques en particulier sur les prĂ©sidents et de tĂ©lĂ©films centrĂ©s sur un Ă©vĂ©nement cathartique, le prĂ©sident des Ătats-Unis et son entourage sont, depuis 1999, les principaux protagonistes dâune sĂ©rie hebdomadaire exceptionnelle Ă la Maison-Blanche [41]. Elle sâarticule autour de Jed Bartlet interprĂ©tĂ© par Martin Sheen, dĂ©mocrate rĂ©cemment Ă©lu au poste suprĂȘme, et ses conseillers les plus immĂ©diats son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, trois juristes chargĂ©s de la communication et des relations avec le CongrĂšs, et enfin le porte-parole de la Maison-Blanche, tout en faisant la part belle aux petites mains » et autres collaborateurs travaillant dans lâombre [42]. Que ce soit sur le petit ou le grand Ă©cran, les apparitions prĂ©sidentielles se sont donc multipliĂ©es ces derniĂšres annĂ©es de Air Force One Ă Independence Day en passant par Mars Attack, Les pleins pouvoirs, Los Angeles 2013, Primary Colors ou Le prĂ©sident et Miss Wade, concourant Ă construire une certaine idĂ©e de lâAmĂ©rique, oĂč la fonction prĂ©sidentielle nâest pas revĂȘtue dâune rigueur comparable Ă ce quâelle inspire en Europe. En France, une fiction tĂ©lĂ©visĂ©e dans laquelle il serait question du prĂ©sident de la RĂ©publique, de ses conseillers les plus proches, de la vie quotidienne Ă lâĂlysĂ©e et des arcanes de la politique nationale semble ainsi, Ă court ou Ă moyen terme, quasi impossible. 17Les relations privilĂ©giĂ©es quâentretiennent Washington et Hollywood, si elles sâinscrivent dans la logique du soft power et alimentent les succĂšs de deux des grands pĂŽles de la puissance amĂ©ricaine par un jeu habile dâinfluences rĂ©ciproques, peuvent parfois sâavĂ©rer ĂȘtre une arme Ă double tranchant. En distinguant de plus en plus difficilement les limites entre fiction et rĂ©alitĂ©, les acteurs de la vie publique amĂ©ricaine prennent le risque de sây perdre et de sâĂ©garer parfois dans des scĂ©narios improbables. De mĂȘme, les producteurs hollywoodiens peuvent ĂȘtre de plus en plus tentĂ©s par une mise en scĂšne de la vie politique amĂ©ricaine sous la forme de shows de real TV, dont les succĂšs aux Ătats-Unis ne sont plus Ă dĂ©montrer. De leur cĂŽtĂ©, les conseillers de campagne des candidats Ă lâĂ©lection prĂ©sidentielle lorgneraient les techniques de tournage, allant jusquâĂ dĂ©former la rĂ©alitĂ© dans un but purement politique. De telles Ă©volutions peuvent avoir pour effet une perte de crĂ©dibilitĂ© des deux univers, lâopinion publique ne prenant plus ses dirigeants au sĂ©rieux et leur prĂ©fĂ©rant des acteurs dont lâapparence leur semblerait plus respectable. Ă lâinverse, le taux dâexigence de rĂ©alisme des productions hollywoodiennes deviendrait tel que les meilleurs centres de formation des acteurs seraient les Ivy League Schools [43] de la cĂŽte est, et non plus les Ă©coles de théùtre de la cĂŽte ouest. Notes [1] Respectivement journaliste indĂ©pendant, spĂ©cialisĂ© dans le cinĂ©ma, et chercheur Ă lâInstitut de relations internationales et stratĂ©giques IRIS, spĂ©cialiste des questions relatives Ă la politique Ă©trangĂšre amĂ©ricaine, les questions nuclĂ©aires et les nouvelles menaces. Les auteurs peuvent ĂȘtre contactĂ©s aux adresses e-mail suivantes eerwan. bbbenezet wanadoo. fret bbbcourmont hotmail. com. [2] Le film de Michael Moore, Palme dâor Ă Cannes en 2004, critique vivement le prĂ©sident George W. Bush et dĂ©nonce des liens entre la famille du prĂ©sident et le clan de Oussama Ben Laden. Il Ă©prouva les difficultĂ©s les plus vives Ă trouver un distributeur aux Ătats-Unis. Son prĂ©cĂ©dent documentaire, Bowling for Columbine, rĂ©quisitoire contre la vente libre dâarmes et rĂ©flexion sur le thĂšme de la violence dans la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine, fut rĂ©compensĂ© au festival de Cannes en 2002, ainsi quâaux Oscars en 2003. [3] Jean-Paul Marthoz, Entre Bush et Chomsky, le kalĂ©idoscope amĂ©ricain », in Jean-Paul Marthoz sous la dir., Les Ătats-Unis Ă contre-courant. Critiques amĂ©ricaines Ă lâĂ©gard dâune politique Ă©trangĂšre unilatĂ©raliste, Bruxelles, Complexe, 2004, p. 11. [4] he Birth of a Nation alias The Clansman de David Wark Griffith, 1915. [5] Lawrence H. Suid, Guts and Glory. The Making of the American Military Image in Film, Lexington, University Press of Kentucky, 2002. [6] The Battle of Midway, documentaire de John Ford, avec le commentaire de Henry Fonda, 1942. [7] December 7th, documentaire de John Ford, 1943. [8] Why We Fight, de Frank Capra, 1943. [9] The Purple Heart, de Lewis Milestone, 1944. [10] Sands of Iwo Jima, de Allan Dwan, 1949, avec John Wayne. [11] The Longest Day, 1962, produit par le lĂ©gendaire Darryl F. Zanuck, avec trois rĂ©alisateurs diffĂ©rents aux commandes Ken Annakin pour les scĂšnes britanniques, Andrew Marton pour les scĂšnes amĂ©ricaines, et Bernhard Wicki pour les scĂšnes allemandes ; un casting impressionnant de Robert Mitchum Ă John Wayne, en passant par Richard Burton, Henry Fonda, Sean Connery, Jean-Louis Barrault, Arletty, Bourvil, et mĂȘme le chanteur Paul Anka ; et des bataillons de conseillers militaires, Romain Gary futur double laurĂ©at du prix Goncourt et ancien pilote de chasse et Cornelius Ryan lâauteur du livre au scĂ©nario. Le projet Ă©tait dâune telle envergure quâil laissa la Fox au bord de la ruine. [12] Fail-Safe, de Sidney Lumet, 1964, avec Henry Fonda dans le rĂŽle du prĂ©sident des Ătats-Unis. [13] Dr Strangelove Or How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb, de Stanley Kubrick, 1964, avec Peter Sellers. [14] AAAAMASHBBBB, de Robert Altman, 1970, adaptĂ© du roman Ă©ponyme de Richard Hooker, avec Donald Sutherland et Robert Duvall. [15] The Green Berets, rĂ©alisĂ© par Ray Kellogg, John Wayne et Mervyn LeRoy, 1968, adaptĂ© du roman Ă©ponyme de Robin Moore, avec John Wayne. [16] Peter Biskind, Le nouvel Hollywood. Coppola, Lucas, Scorsese, Spielberg... La rĂ©volution dâune gĂ©nĂ©ration, Paris, Le Cherche Midi, 2002. [17] Hearts of Darkness A Filmmakerâs Apocalypse, rĂ©alisĂ© par Fax Bahr, Eleanor Coppola et George Hickenlooper, 1991. [18] Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola, Palme dâor au Festival de Cannes en 1979, adaptĂ© du roman Au cĆur des tĂ©nĂšbres de Joseph Conrad, avec Marlon Brando et Martin Sheen. [19] The Big Red One, de Samuel Fuller, 1980, avec Lee Marvin, Mark Hamill et Robert Carradine. [20] Top Gun, de Tony Scott, 1986, avec Tom Cruise et Val Kilmer. [21] Jim Hoberman, How Hollywood Learned to Stop Worrying and Love the Bomb », Village Voice, 28 juin 2002. [22] Le principe dâunion sacrĂ©e, qui sâinspire de la formule de Georges Clemenceau pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, a Ă©tĂ© Ă©noncĂ© par Carl Levin, sĂ©nateur dĂ©mocrate du Michigan et alors prĂ©sident de la Commission des Forces armĂ©es, estimant quâil fallait laisser de cĂŽtĂ© les divergences partisanes et se joindre au prĂ©sident G. W. Bush dans la guerre contre le terrorisme. [23] Jean-Michel Valantin, Hollywood, le Pentagone et Washington. Les trois acteurs dâune stratĂ©gie globale, Paris, Autrement, 2003, p. 137. Voir Ă©galement la note de lecture consacrĂ©e Ă cet ouvrage dans la rubrique Comptes rendus », dans la prĂ©sente livraison de La revue internationale et stratĂ©gique. [24] Wag the Dog, de Barry Levinson, 1997, adaptĂ© du roman de Larry Beinhart, avec Dustin Hoffman et Robert De Niro. [25] All the Presidentâs Men, de Alan J. Pakula, 1976, avec Dustin Hoffman et Robert Redford, inspirĂ© du livre de deux anciens journalistes du Washington Post, Carl Bernstein et Bob Woodward, sur le scandale du Watergate. [26] Black Hawk Down, de Ridley Scott, 2001, inspirĂ© du roman de Mark Bowden, raconte lâĂ©chec de lâopĂ©ration amĂ©ricaine en Somalie, en 1993, et la bataille que se livrĂšrent une poignĂ©e de GIs contre les hommes de main de Mohammed Farah Aidid dans les rues de Mogadiscio. [27] Samuel Blumenfeld, Le Pentagone et la CIA enrĂŽlent Washington », Le Monde, 24 juillet 2002. [28] We Were Soldiers, de Randall Wallace, 2002, avec Mel Gibson, raconte lâune des premiĂšres dĂ©faites amĂ©ricaines au ViĂȘtnam en 1965. Joseph L. Galloway, coauteur du livre dont sâinspire le scĂ©nario et lâun des hĂ©ros du film, a notamment assurĂ© la fonction de conseiller du secrĂ©taire dâĂtat Colin Powell. [29] Il sâagissait dâun organisme amĂ©ricain de propagande trĂšs officiel, complĂ©mentaire de la Central Intelligence Agency CIA, créé au dĂ©but de la guerre froide et supprimĂ© en 1999. Alors que la CIA sâoccupait essentiellement des services secrets et de lâaction politique, la United States Information Agency USIA Ă©tait plus orientĂ©e vers lâimage du pays et combattait tout ce qui pouvait la ternir. [30] Nancy Snow, Information War. American Propaganda, Free Speech, and Opinion Control Since 9/11, New York, Seven Stories Press, 2004. [31] Le Monde, 24 juillet 2002. [32] The Sum of All Fears, de Phil Alden Robinson, 2002, avec Ben Affleck et Morgan Freeman. [33] AAAAJAGBBBB, rĂ©alisĂ© par Donald P. Bellisario, habituĂ© des univers militaires puisquâil est lâancien producteur des TĂȘtes brĂ»lĂ©es. [34] The Agency, sĂ©rie de 44 Ă©pisodes, créée par Michael Frost Beckner, 2001-2003. [35] Pratiquant lâautodĂ©rision Ă outrance, William J. Clinton y apparaĂźt notamment en compagnie de lâacteur Kevin Spacey, dont il convoite avec gourmandise lâoscar quâil avait obtenu pour son rĂŽle dans American Beauty, de Sam Mendes, en 1999. [36] Lewis H. Lapham, LâAmĂ©rique bĂąillonnĂ©e, Paris, Saint-Simon, 2004, p. 129-130. [37] Le Monde, 14 octobre 2003. [38] Ibid. [39] Les attentats du 11 septembre 2001 suscitĂšrent une importante mobilisation de Hollywood pour soutenir Washington et, Ă lâinverse, la campagne irakienne fut lâoccasion pour de nombreux cinĂ©astes de sâen prendre avec vigueur Ă lâAdministration Bush. [40] Rob Lowe sâimpliqua en politique au dĂ©but de sa carriĂšre, Ă la fin des annĂ©es 1980, dans le camp dĂ©mocrate, ce qui aurait pu justifier quâil soit choisi. Chose Ă©tonnante, ce passĂ© de militant ne fut pourtant pas Ă©voquĂ© par le candidat rĂ©publicain, qui prĂ©fĂ©ra ne faire mention que de lâimage de son conseiller comme garantie de sa crĂ©dibilitĂ©. [41] The West Wing TWW, produit par John Wells, créé par Aaron Sorkin, avec Martin Sheen et Rob Lowe. [42] En dĂ©cembre 2002, Martin Sheen et Mike Farrel rendu cĂ©lĂšbre par la sĂ©rie AAAAMASHBBBB ont créé Ă Los Angeles la coalition Artists United to Win Without War Les artistes unis pour gagner sans la guerre. [43] Ăcoles prestigieuses de la cĂŽte est des Ătats-Unis qui forment la plupart des Ă©lites politiques. Elles sont au nombre de huit Brown, Columbia, Cornell, Dartmouth, Harvard, University of Pennsylvania, Princeton et Yale. jqJ5C.